lundi 9 septembre 2013

MY WEEABOO FEELS, LET ME SHOW YOU THEM

Récemment, mon côté otaque-weeaboo que je croyais mort et enterré est sorti de la tombe pour se rappeler à mon bon souvenir et me hurler dans les oreilles que je n'en aurai jamais fini avec lui, JAMAIIIIIIIIIS.
On est un certain nombre, parmi mes amis et les créatifs que je connais, à dire qu'on ne lit presque plus de mangas et qu'on ne regarde presque plus d'animes, alors que ça a été pratiquement notre seule nourriture culturelle pendant un bon bout de temps. Il faut dire aussi qu'on est d'abord passés par une phase, dans l'histoire de l'otaquerie française, où il n'y avait pas grand chose comme produit culturel japonais à se mettre sous la dent, et on se jetait sur n'importe quoi comme des affamés en proclamant que c'était de la balle ultime de l'univers tout entier (relisez vos Video Girl Aï maintenant, histoire qu'on rigole un bon coup...).

De nos jours, on est absolument submergés par les titres ("l'embarras du choix" est même faible comme expression), et comme on commence à avoir quand même une certaine culture, c'est assez normal qu'on soit blasés. Si vous n'avez jamais lu aucun shônen de votre vie, peut-être que vous pouvez apprécier des titres comme D-Gray Man, mais pour quelqu'un qui s'est enfilé tout ce qu'il y avait de disponible dans le genre depuis Dragon Ball, c'est normal de considérer que ça sent quand même franchement le réchauffé. D'autant qu'à cause des méthodes d'édition du côté des Japonais, au bout d'un moment il y a formattage, et tout finit un peu par se ressembler, il ne reste par conséquent plus beaucoup de surprise. Il en est allé de même pour moi niveau animes, et peu ont réussi à susciter mon intérêt ces derniers temps -- enfin, je dis intérêt, disons plutôt "raviver la flamme de la passion qui me consumait à une certaine époque", parce qu'au final je peux plus ou moins trouver de l'intérêt à plein de trucs en me forçant un peu. Je n'arrivais plus à trouver le bouton "off" de mon esprit critique qui me soufflait "déjà vu, barbant" face à certains types de situations ou de personnages, je n'arrivais plus à aimer ces animes au premier degré. Je me disais que c'était sans doute le signe d'un triste passage -- longuement retardé -- à l'âge adulte.

Mais encore une fois, ça ne vient pas que de moi, toute l'industrie culturelle mainstream est en crise en ce moment, on le sait (oui, vous le savez, le cinéma, les suites et les reboots absurdes, les bouquins Twilight, Fifty Shades of Grey qui est une fanfic de Twilight, Jennifer Lopez reprend la Lambada, tout ça. Vous le savez) et forcément l'animation japonaise est sans doute aussi touchée, avec depuis quelques années une certaine tendance à ne pas se renouveler (parce que pour produire des animes moe avec des collégiennes et des petites culottes, ah ça y'a du monde).

Après cette loooongue intro, j'en viens au fait: je suis tombée pour deux séries récemment, deux animes qui m'ont rendue à ma personnalité profonde de fangirl hystérique et obsessionnelle.

Et en y réfléchissant, ces deux animes sont pour moi le signe que quelque chose est en train de changer. Ils sont annonciateurs, selon moi, de mentalités qui évoluent dans l'industrie culturelle au Japon, et qui feront qu'on aura peut-être d'autres genres d'histoires et de personnages, et que les artistes japonais pourront encore nous devancer et nous inspirer. Enfin je crois (j'espère).

Ces deux animes sont donc Free! et Shingeki no Kyôjin (Attack on Titan).



Alors je vous vois venir, non je ne regarde pas Free! que pour le fan-service yaoi. C'est effectivement pour ça que je me suis mise à regarder à la base, mais j'ai continué parce qu'il s'y passe quelque chose que j'ai peu vu ailleurs: le héros, Haruka, est le stéréotype de ce que j'appelle le "héros-moule". Complètement détaché, peu émotif et dans n'importe quel autre anime il aurait gardé cette personnalité jusqu'au bout, et on nous aurait demandé de croire qu'il est "cool", puisque rien ne l'atteint. Je pensais que Free! aussi se tiendrait à ce genre de caractérisation, et j'ai eu tort, et heureusement. Free! raconte en fait l'histoire d'un héros-moule complètement autiste qui finalement apprend à vivre avec les autres et à donner un sens au sport qu'il pratiquait jusqu'ici par pur plaisir masturbatoire. Et quand on croit que rien ne l'atteint, on découvre en fait, par bribes, qu'il est surprenamment sensible et sa petite bulle d'autisme éclate à des moments inattendus.
Rin, son rival dans la série, est pour sa part férocement compétiteur et lui non plus n'a besoin de personne, mais contrairement à Haruka il n'a pas de plaisir à "nager pour la nage". Leurs personnalités et leurs chemins sont différents, mais la réalisation sera (sans doute, on est pour l'instant assez tôt dans la série mais ça a l'air de se diriger vers ça) la même: il y a d'autres gens que toi dans la vie, et en pensant aussi à eux tu en sortiras grandi. Ce n'est pas juste une bête histoire de pouvoir de l'amitié à la shônen de base, c'est un vrai message qui enjoint les héros à être moins sociopathes et à arrêter de se croire au centre de tout. Alors je sais pas pour vous, mais pour moi c'est une vraie nuance par rapport à tout ce que j'ai vu jusqu'ici, une nuance de taille. Encore une fois, ce n'est pas juste "ouééé travaillons tous ensemble la main dans la main" qui finit par être un instrument pour la gratification personnelle du héros (la victoire, être le roi des pirates, le meilleur cuisinier de nouilles etc), c'est plus une réalisation qu'il y a de la joie dans le rapport à l'autre, et que les autres gens ont vraiment quelque chose à vous apporter; que leur bonheur et leur bien-être peut contribuer au vôtre (même s'il n'en dépend pas).. "Nul homme n'est une isle complète en soy-mesme", tout ça.

Le deuxième anime, Shingeki no Kyôjin (Attack on Titan) est un anime désespéré, profondément sans dieu et sans espoir, et qui contient quelques attaques violentes contre l'establishment japonais (mais là c'est pas le sujet). Là je ne vais pas parler du héros, mais d'un personnage plus ou moins secondaire qui est rapidement devenu mon préféré absolu chouchou-d'amour: le capitaine Levi. Dans un tout autre anime, Levi aurait été un psychorigide de base, dont la coolitude vient du fait qu'il est complètement divorcé de ses sentiments, n'en a rien à foutre de personne et qui reste froid quoi qu'il advienne (en gros, tant qu'il n'est pas esclave de ses passions il peut maîtriser les choses). Sauf que dans SnK, pour psychorigide qu'il est, Levi s'investit émotionnellement, au cours de la première scène où on le voit en action, dans la mort d'un soldat sous son commandement. On le présente d'emblée comme un maniaque de la propreté, mais il n'hésite pas à empoigner la main ensanglantée dudit soldat mourant sans ciller alors que le spectateur sait à quel point le sang le dégoûte.

Levi est aussi présenté comme "le meilleur tueur de Titans que l'humanité ait jamais connu". Le potentiel coolitude du perso est donc très fort, mais régulièrement on nous rappelle que chaque mort l'affecte et que malgré son extérieur stoïque, il les encaisse durement. Et Levi n'est pas un loup solitaire (tel qu'il aurait sans doute été, là encore, dans un autre anime): ses subordonnés l'aiment et l'admirent profondément; établissant avec eux une relation, un attachement qui va dans les deux sens. Levi aurait eu des excuses d'être un psychorigide de base, un loup solitaire sans liens avec personne -- autres que hiérarchiques -- vu le monde de merde (non mais VRAIMENT de merde, hein) dans lequel il évolue. Il se trouve ici que sa psychorigidité, sa maniaquerie de la propreté sont des moyens pour lui de garder le contrôle sur des choses qu'il peut contrôler, mais pour le reste, on voit qu'il a du cœur, et que c'est à raison qu'il est aimé de ses soldats. Il a du cœur pile dans le monde où c'est dangereux d'en avoir. Ça n'en fait pas un moins bon guerrier ou un gros faible, néanmoins; ça ne le discrédite en rien. Ça demande au contraire un courage extraordinaire, de ne pas se comporter comme un connard sans cœur face aux situations qu'il affronte (même si encore une fois, vu le bazar, on lui aurait pardonné si c'était le cas).

Autre point qui fait de Levi un personnage hors normes à mes yeux: Eren, le héros de la série, lors d'une situation extrêmement tendue, se tourne vers Levi pour lui demander ce qu'il est supposé faire, et Levi lui dit (en gros): "J'en sais rien. J'ai vraiment pas la réponse. Je suis sûr de rien, tu dois avoir autant raison que moi alors fais ce que tu dois faire."

Alors encore une fois, peut-être que vous, vous ne voyez pas ce qu'il y a d'aussi ouf dedans, mais laissez-moi vous dire que cette réponse m'a CASSÉ LA TÊTE. Le héros, qui voit Levi comme un modèle à suivre, Levi le plus grand guerrier de toute l'humanité, le mec qui a l'air de savoir ce qu'il fait et qui a l'air de maîtriser en permanence, le mec qui est à la tête d'une brigade d'élite, le héros attend une réponse déterminante, et Levi lui fait: "j'en sais rien." NON MAIS ALLÔ QUOI (pardon. Pardon. Il fallait que je le fasse, parce que là ça me semblait justifié tellement y'a pas de mots. Je le ferai plus).
Dans un shônen de base, on aurait eu droit au speech de motivation, mais dans le monde de SnK, les speech de motivation ce sont les débiles et les menteurs qui les font. On n'en n'est plus à des conneries de "crois en toi qui crois en moi", SnK c'est l'anime anti-nekketsu au possible. Dans SnK, c'est uniquement avec le désespoir et l'incertitude au ventre qu'on peut se battre, parce que tout le reste c'est du bullshit. Le voilà, le vrai courage selon cette série. Et là encore, Levi n'apparaît pas comme faible pour avoir dit ça. Au contraire, c'est une vraie démonstration de force de caractère (et, si je puis me permettre, une vraie démarche athée mais ça c'est encore autre chose). Vous imaginez, un supérieur hiérarchique, un mec qui est en charge et à qui on fait confiance, qui ose admettre "je ne sais pas"? Et sans que ça remette en cause son autorité, sa bravoure et sa coolitude absolue? Vous imaginez dans un contexte japonais où la hiérarchie et les gens haut placés qui sont supposés savoir ce qu'ils font sont essentiels à la bonne marche de la société?
ÇA M'A CASSÉ LA TÊTE JE VOUS DIS.

Bref, je vais arrêter ici la glaire, je sais même plus si ce que j'écris a du sens, mais il fallait vraiment que je couche tout ça par écrit PARCE QUE JE SUIS VRAIMENT TRÈS TRÈS ENTHOUSIASMÉE PAR TOUT ÇA EN CE MOMENT C'EST TROP COOL AAAAAAAH.

Hum.

Pour conclure:

Ces animes montrent une maturité que je n'ai pas vue jusqu'ici. Ils sortent les stéréotypes de leur âge adolescent et véhiculent un message plus adulte qu'il n'y paraît de prime abord, et surtout un message différent: ce n'est pas une faiblesse que d'avoir besoin des gens, ce n'est pas une faiblesse que d'admettre ses faiblesses, et tu peux avoir l'air cool même quand tu es en phase avec tes sentiments.

Et je lève mon verre virtuel à la bonne santé de ce que je souhaite de tout cœur être le commencement de quelque chose de bon et de bien.

5 commentaires:

  1. Clap clap clap bravo!
    Tu viens de resumer ce que j'ai ressenti au cours de ces dernieres annees. Pour moi l'engouement a repris a un moment ou je n'avais plus de series americaines a regarder pendant que je mange et j'ai commencer a regarde des reviews et j'ai scotche sur Attack On Titan et Stein's;Gate (dans un style qui n'a rien a voir, mais qui m'a retourne le cerveau - meme si le depart est un peu lent).

    Bref, ca commence a me faire penser que peut etre il faut environ 10 ans pour qu'un domaine culturel s'essoufle et se renouvelle, parceque j'ai l'impression que ce renouvellement (si il continue) ressemble un peu (pas encore totalement) a la vague d'anime/manga de oufs qui sortaient vers 1998-2001. Des tureries monumentales qui ont tellement marque l'histoire que la moitie de chaque top 20 meilleurs anime de monde (selon differents otakus) que j'ai trouve sur le net en sont blinde.
    Bref j'espere que c'est pas un soubressaut.

    Cote surprise fuck-la-mentalite-a-la-japonaise je trouve que ca troue le cul severe aussi, et j'avoue que je me sentais un peu seul a comprendre a quel point c'est ouf dans le context Japonnais de faire une oeuvre comme ca QUI MARCHE en plus economiquement parlant, parceque la plupart de mes potes sont pas trop aware de ce genre de trucs. Donc kudos baby da shake booty tout ca.

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    1. Yééééééé merci *fistbump*

      Je checkerai Stein's Gate à l'occase, merci pour la rec!

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  2. Je crois qu'on a à peu près le même âge, (1981, so ?) ce que tu dis en intro, c'est ce que j'ai vécu à peu de choses près (genre dépouiller des vieilles pour m'acheter une ramicard DBZ) et la même lassitude-blasitude en fin de pacours d'otak, de ne pratiquement plus rien mater/lire hormis quelques rares exceptions. Donc, je crois que je vais te faire aveuglément confiance et mater sans détour ces jolies ptites choses dont tu parles.
    Non mais.

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  3. Autant je ne suivais Free! que via quelques tumblrs, autant je me suis jetée sur SnK dès le 6eme épisode. Et n'ayant pas une si grande patience que ça, j'ai très vite délaissé l'animé pour les scans.
    SnK, de par son scénar et son animation, m'a fait ravalé mon "anime no more" que je sortais un peu à tout va, essayant d'oublier que j'avais juste délaissé un format japonais pour un américain (je ne me sens même plus sale!). Et puis franchement, un anime (et par extension, manga) violent, avec un scénario pas mal, un bon gout de fin de l'humanité en bouche, le tout sans jeunes filles en tenues légères, ça a de quoi raviver la flamme.

    Les vrais bon points de SnK sont à mon avis la complexité des personnages, l'intrigue(s) juste impossible car hyper réaliste avec luttes de pouvoirs dans un espace confiné, multiples factions politiques et sombres secrets d'état.
    De la violence gratuite, car de gros monstres qui mangent les gens sans qu'on sache pourquoi, c'est encore gratuit pour moi, sans que le but soit de faire souffrir sciemment les victimes. (Là, je ne peux plus rien dire, sinon je spoile.)
    Et ces personnages ! Dont je ne peux pas parler sans faire de spoilers ! A part dire qu'il faut se carrer nos idées manichéennes là où le soleil ne brille pas, se découvrir de l'empathie pour des gens qui sont prêts au pire, et qui le feront, quitte à tout perdre, pour que le plus grand nombre survive. Il n'y a pas de gentils et de méchants. Tout le monde est pourri à un certain degré, et c'est là la beauté de la chose. Pas de héros, pas d'anti-héros. Juste des personnages qui luttent comme ils peuvent, et ça, ça c'est beau !

    (Sinon, Rutile, tu connais Welcome to Night Vale? Bref à bientôt sur le stand de la WIP)

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  4. Salut Rutile!

    Je suis ravie d'apprendre que tu aies reussi à te faire un nom dans le milieu de la BD... Tu fais du super boulot:)
    J'ai mis pas mal de temps à te retrouver et ca n'a pas été chose facile... Enfin voilà, ca me ferais tres plaisir que l'on se retrouve un de ces 4... Ta vieille amie Alison

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